Saints ANDRONIC et ATHANASIE son épouse, ermites en Thébaïde (Ve siècle)

  Fête : 9 octobre

Sous l'empire du grand Théodose, un jeune homme nommé Andronic, qui était banquier de profession, épousa, dans la ville d'Alexandrie, une fille appelée Athanasie, dont le père était aussi banquier. Ils possédaient aussi de grandes richesses, mais ils en faisaient un très bon usage, la meilleure partie étant pour les pauvres et pour les monastères, et la moindre seulement pour leur subsistance et pour leur commerce. Leur piété les faisait aimer de tout le monde, et l'on admirait surtout la modestie et l'honnêteté d'Andronic. Après avoir eu pour fruit de leur mariage un fils qu'ils nommèrent Jean, et une fille qu'ils appelèrent Marie, ils résolurent de garder ensemble une parfaite continence ; ce qu'ils observèrent religieusement le reste de leur vie. La divine Providence leur ayant enlevé, au bout de douze ans, ces deux chers enfants, qui étaient leur plus grand trésor, Andronic se prosterna contre terre, au pied de leur lit, et en fit un sacrifice à la majesté de Dieu, proférant ces paroles, avec larmes : Comme je suis sorti nu du sein de ma mère, je sortirai aussi nu de ce monde ; Dieu me les avait donnés, il me les a ôtés ; que sa sainte volonté soit faite, et que son nom soit éternellement béni! Quant à Athanasie, elle en fut inconsolable ; et on ne put jamais l'empêcher de passer la première nuit sur leur tombeau, dans l'église Saint-Julien, lieu de la sépulture de leurs ancêtres. Comme elle y était toute plongée dans la douleur, cet illustre martyr lui apparut, vêtu en religieux, et, l'assurant que ses enfants étaient bienheureux dans le ciel, il lui fit de grands reproches de ce qu'elle pleurait si amèrement leur mort, au lieu d'employer ses larmes pour pleurer ses péchés. Ces paroles la consolèrent extrêmement et lui firent avouer l'inutilité de ses soupirs ; mais elle en fut en même temps si touchée que, de retour en sa maison, elle pria son mari de lui permettre de se retirer dans quelque monastère, pour y mener une vie pénitente, ainsi qu'elle avait toujours eu dessein de le faire, quoiqu'elle n'eut jamais osé lui en parler du vivant de ses enfants. Non seulement Andronic y consentit, mais il voulut lui-même suivre son exemple. Ils résolurent de faire un voyage en Palestine pour y visiter les lieux saints ; ayant affranchi et récompensé leurs esclaves, et confié le reste de leurs biens au père d'Athanasie, avec ordre, si Dieu disposait d'eux, de les employer à bâtir deux hôpitaux, l'un pour les malades et l'autre pour y recevoir les religieux, ils sortirent la nuit de la ville pour se rendre à Jérusalem. Après avoir adoré les endroits consacrés par la présence de Notre-Seigneur, ils allèrent à Alexandrie, où ils firent leurs dévotions au sépulcre de saint Ménas, célèbre martyr de cette ville. Athanasie y resta et Andronic alla seul visiter les laures et le désert de Scété, en Afrique, parce qu'il n'était pas permis aux femmes d'y entrer. Ayant entendu parler de la sainteté de l'abbé Daniel, il l'alla trouver pour le consulter sur le dessein qu'ils avaint, lui et sa femme, de se retirer dans quelque monastère. Ce saint homme lui conseilla de mener Athanasie dans la Thébaïde, et lui donna des lettres pour la faire entrer dans celui des Tabensionites. En effet, en vertu de cette recommandation, elle y fut reçue, cachant son sexe sous un habit d'homme et sous le nom d'Athanase. Andronic retourna ensuite vers le saint abbé, et, ayant été revêtu de l'habit religieux, il demeura avec lui dans sa laure. Ces deux époux vécurent ainsi pendant douze ans séparés l'un de l'autre, pratiquant saintement et avec une ferveur admirable tous les exercices de la vie monastique.

Au bout de ce temps, sans s'être rien communiqué, ils obtinrent respectivement de leur supérieur la permission de faire le pèlerinage de Jérusalem, et se rencontrèrent sur les chemins. Athanasie reconnut facielement son mari ; mais lui ne la reconnut pas, et la prit pour un religieux d'Égypte, tant elle avait le visage changé et noir, à cause de ses grandes austérités. Ils se joignirent pour continuer de compagnie leur voyage, à condition pourtant, qu'ils garderaient un profond silence, comme s'ils eussent été seuls. À leur retour de Jérusalem à Alexandrie, Athanasie, qui ne se faisait point connaître, lui proposa de s'y arrêter et d'y bâtir une cellule commune pour mener une vie plus pénitente. Andronic voulut, auparavant, consulter l'abbé Daniel, qui approuva ce dessein. Ainsi, ces deux saints époux demeurèrent ensemble dans un silence continuel, ne pensant uniquement qu'aux choses célestes. Le saint abbé ne manquait pas de les visiter toutes les fois qu'il allait à l'église de Saint-Ménas, dont nous avons parlé, dévotion qu'il pratiquait souvent. Il les encourageait à la ferveur et à la persévérance et leur donnait des instructions nécessaires pour vivre avec plus de perfection dans leur solitude.

Un jour, qu'il vint les voir à son ordinaire, il trouva Athanasie à l'extrémité et si affligée qu'elle fondait en larmes. Quoi! vous pleurez, lui dit-il, au lieu de vous réjouir de ce que le Seigneur vous appelle à lui ? - Je ne pleure pas pour moi, répondit Athanasie, mais pour mon compagnon Andronic, que je laisserai dans une extrême douleur ; c'est pourquoi je vous prie de prendre après ma mort un papier que vous trouverez sous ce qui me sert de chevet, de le lire et ensuite de lui donner. Puis elle demanda la communion, et, après l'avoir reçue, elle expira paisiblement, pendant que l'abbé et son mari faisaient les prières pour les agonisants. Aussitôt après son décès on reconnut, par la lecture de son billet, qu'elle était femme d'Andronic, auquel elle ne s'était nullement fait connaître pendant douze ans qu'elle demeura avec lui dans la même cellule. Tous les religieux qu apprirent cette merveille rendirent mille actions de grâces à Dieu d'avoir donné une si grande constance à Athanasie et de l'avoir rendue, par ce moyen, triomphante de la chair, du monde et de l'enfer. Les religieux de toutes les laures d'Alexandrie, les habitants de la ville et les solitaires de Scété assistèrent à ses funérailles avec des palmes, des rameaux et des cierges ardents. Son corps fut enterré dans le dix-huitième monastère. C'est ainsi que l'on distinguait le grand nombre de maisons religieuses qui étaient autour d'Alexandrie. L'abbé Daniel eût bien voulu emmener Andronic avec lui, mais la divine Providence ne le permit pas : car, quelques jours après, il suivit sa chère Athanasie, auprès de laquelle il fut enterré.


Sources :

« Saint Andronic d'Alexandrie, et sainte Athanasie ou Anastasie, son épouse, solitaires (IVe siècle) », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 3 octobre au 27 octobre, t. XII, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.235 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30742f/f241.item)