Sainte MÉNEHOULD, vierge en Lorraine (Ve siècle)

  Fête : 14 octobre

Ménehould vit le jour à Perthes, en Champagne, non loin de la ville de Saint-Didier, aujourd'hui Saint-Dizier. Son père, nommé Sygmare, était comte du Perthois ; c'était un homme illustre, non moins par sa piété que par son rang et sa naissance. Sa mère, non moins illustre par la naissance, la piété et la vertu, se nommait Lintrude. Ménehould, la plus jeune de ses soeurs qu'elle voyait avancer rapidement dans la pratique de toutes les vertus chrétiennes, sous la direction d'un saint prêtre nommé Eugène, recommandable par sa science et sa sainteté, voulut imiter leurs exemples.

Docile aux bons mouvements de la grâce que Dieu répandait abondamment dans son coeur, elle ne se laissa point devancer dans le chemin de la vertu. Pendant dix ans, Ménehould et ses soeurs rivalisèrent d'une sainte ardeur dans les sentiers de la perfection. Alors de leur propre mouvement, les sept soeurs formèrent le dessein de vouer leur virginité à Dieu et de ne prendre que Jésus Christ pour leur partage. L'évêque de Châlons, saint Alpin, reçut leur voeu, leur donna le voile et les bénit. De retour à la maison paternelle, Ménehould se mit aussitôt à l'oeuvre pour s'élever, avec la grâce de Dieu, au plus haut sommet de la perfection.

Son temps était partagé entre la prière et le travail des mains ; l'oraison était sa principale occupation. Son premier soin était de s'entretenir, de converser dans la méditation avec l'Époux céleste. Mais comme l'esprit ne peut toujours se tenir dans les hauteurs de la contemplation, qu'il lui faut du repos, et que d'un autre côté l'oisiveté est la mère de tous les vices, elle ne dédaignait pas de manier la quenouille et le fuseau : le produit de son travail était pour les églises ou pour les pauvres. A cela elle joignait une obéissance complète, aveugle, prompte à ses parents, et retranchait, par le glaive de la mortification, tous ses penchants mauvais et les affections terrestres. Ainsi, elle remplissait de l'huile de toutes les vertus la lampe de son âme, afin d'être toujours prête à se présenter devant l'Époux lorsqu'il lui plairait de l'appeler à lui.

Une année, Sygmare emmena avec lui Ménehould à Château-sur-Aisne, plus tard appelé ville de Sainte-Ménehould, lieu compris dans le gouvernement du Perthois, dont il formait les limites de ce côté. Elle y séjourna quelque temps. Les vastes marais qui entouraient le château, au milieu desquels la bourgade était en partie construite, rendaient le pays malsain. Ses habitants se voyaient souvent en proie à des maladies pestilentielles, occasionnées par des exhalaisons que répandaient ces lieux infects, et par le défaut de circulation de l'air trop concentré à cause des bois environnants. La fille de Sygmare avait accompagné son père à Château-sur-Aisne, lorsque les habitants furent affligés d'une maladie contagieuse qui s'étendit dans les environs. On dit que cette fille pieuse et charitable fit usage de toute sa science pour venir au secours des malades, et quelle parvint par ses soins et ses prières à détourner, le fléau qui désolait la ville. Sans doute de là vint la dévotion à sainte Ménehould contre les maladies pestilentielles, comme on le voit dans des litanies anciennes, où son nom se trouve invoqué avec celui de saint Roch.

La naissance distinguée, la vie sainte et exemplaire de Ménehould, son zèle actif et salutaire près des malades, la firent regarder par les habitants comme un ange tutélaire qui méritait de leur part de la reconnaissance et des hommages. La renommée et les vertus de cette vertueuse fille se répandirent bientôt au loin comme un parfum de sainteté et de charité. Chacun accourut pour voir et bénir cette bienfaitrice et recevoir les soins et les secours qu'elle se faisait un plaisir de prodiguer à ceux qui en avaient besoin. Dès lors on la regarda comme une sainte et on lui en donna le nom. Quand le peuple, dans ses adversités, croyait devoir recourir à cette vierge, il disait communément qu'il allait à sainte Ménehould. Et enfin, lorsqu'elle quitta Château-sur-Aisne pour n'y plus revenir, elle laissa dans les coeurs un long souvenir de ses bienfaits et de sa piété. On peut croire que dès ce moment la religion chrétienne commença à s'établir à Château-sur-Aisne, et qu'on est redevable à cette sainte fille d'avoir fait briller aux yeux des habitants la lumière de la foi qui n'avait point encore éclairé ces contrées. Quelques historiens disent que saint Alpin de Châlons chassa de son diocèse tous les Juifs qui s'y trouvaient établis. Deux de ces Juifs habitaient la bourgade sous Château-sur-Aisne. Afin de se soustraire à l'exil dont ils étaient menacés, ils se firent chrétiens, et donnèrent tous leurs biens pour fonder un hospice qu'ils administrèrent, dit-on, pendant le reste de leur vie. Des manuscrits portent que sainte Ménebould avait été la première directrice de cet hospice, et qu'elle avait montré l'exemple du plus parfait dévouement pour la soulagement des malades.

Si l'on en croit une ancienne tradition, Château-sur-Aisne n'est pas le seul endroit dans ce pays qui ait joui de la présence et des bienfaits de sainte Ménehould. On assure qu'elle se retirait quelquefois au hameau appelé Laneuville-au-Pont, qui commençait alors à se former sur la rivière d'Aisne, et que là, sur une montagne connue depuis sous le nom de Côte-à-Vignes, cette vierge avait une cellule où le peuple allait la trouver, et où l'en dit qu'elle opéra plusieurs guérisons miraculeuses. On raconte qu'un jour, pendant les plus fortes chaleurs, plusieurs personnes, après être montées sur cette côte, s'y trouvant tourmentées de la soif, la sainte, plantant son fuseau dans la terre, en fit jaillir une fontaine dont l'eau servit à désaltérer ceux qui étaient venus la visiter.

Après la mort de son père et de sa mère, Ménehould resta avec ses deux soeurs Amée et Hoïlde, qui prirent soin de sa jeunesse. Elle se retira ensuite dans une petite ville appelée Bienville, située en-deçà de Saint-Dizier, sur les bords de la Marne. Là, ses jours s'écoulèrent dans la prière et les oeuvres de miséricorde envers les pauvres. Ménehould ne survécut à ses soeurs que pour retracer leurs vertus et les surpasser en sainteté. Rien n'égalait sa profonde humilité, sa douceur, sa charité, sa pureté inviolable, son entier détachement de toutes les choses créées : on ne pouvait la voir, l'entendre, sans en devenir meilleur, sans se sentir touché d'un vif désir de l'imiter. Unie à Dieu par un prière continuelle, la vivacité de son amour lui faisait endurer une sorte de martyre. Elle ne soupirait qu'après les biens invisibles. Elle mortifia sa chair plus que ses soeurs, et épura son âme au feu sacré de l'Amour divin. Enfin, après une vie pure, fervente, toute remplie de bonnes oeuvres et de vertus, digne en un mot d'être présentée à Dieu, elle quitta la terre pour aller jouir dans le ciel de la présence de Celui qui fait la joie de ses saints. Elle mourut à Bienville, dans un âge avancé, le 14 octobre vers l'an 490.


Sources :

« Sainte Ménehould de Perthes, vierge, patronne de Bienville, au diocèse de Langres », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 3 octobre au 27 octobre, t. XII, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.336 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30742f/f342.item)