Saint DAMASE, pape de Rome (384)

  Fête : 11 décembre

Si saint Jérôme a été heureux de trouver à Rome saint Damase, qui a su reconnaître son mérite et lui donner en cette ville des emplois convenables à sa piété et à son érudition, nous pouvons dire aussi que ce n'a pas été un petit avantage à saint Damase d'y recevoir ce grand docteur, qui a été l'admirateur de ses vertus et le grand héraut de ses louanges. On convient qu'il était espagnol, quoiqu'on ne sache pas précisément en quelle ville ni en quelle province il est né. Son père s'appelait Antoine ; il eut une sœur parfaitement belle et vertueuse, nommée Irène. Etant venu à Rome avec sa famille, il y entra dans les ordres sacrés, et, s'étant rendu par ses mérites un des plus considérables membres du clergé, il fut premièrement fait nonce apostolique auprès des empereurs Valens et Valentinien ; puis il exerça dans la ville même l'office de vicaire du souverain pontife. Après la mort de Libérius, il fut élu en sa place à l'âge de soixante-deux ans.

Ursin, ou Ursicin, diacre, homme turbulent et qui ambitionnait cette haute dignité, ne put souffrir qu’il eût été préféré. Aussi, ayant assemblé quelques clercs factieux, il se fit élire antipape et tacha de se conserver par la violence un rang que le droit d'une élection canonique ne lui donnait pas. Dans ce tumulte, beaucoup de personnes furent tuées, et on trouva en un seul jour jusqu'à cent trente-sept corps étendus sur la place, sans néanmoins que saint Damase y eût contribué en aucune manière, parce qu'il était d'un esprit fort doux et qu'il aurait plutôt renoncé au souverain pontificat que de le conserver par les armes. L'empereur Valentinien, persuadé de son bon droit, envoya Prétextat à Rome pour en chasser Ursicin et ses adhérents, et le maintenir dans la paisible possession de son siège. Cette paix ne dura pas longtemps ; Ursicin eut permission de retourner à la ville, et, sa malice ne diminuant point par le temps, il eut l’âme assez noire pour faire accuser le saint pontife d'adultère. Concordius et Calliste, diacres, furent les instruments de sa calomnie. Ils ouvrirent la bouche contre l'oint du Seigneur et ils lui imputèrent ce crime pour le faire juger indigne de la souveraine prélature qu'il occupait. Damase ne se troubla point de cette imposture ; il assembla à Rome un synode de quarante-quatre évêques, ou il se justifia si parfaitement, que ses accusateurs furent excommuniés et chassés de la ville, et qu'on décréta que, dans la suite, ceux qui accuseraient injustement quelqu'un seraient sujets à la peine du talion.

Les schismatiques ne laissèrent pas de le persécuter pendant tout le reste de son pontificat ; mais leurs traverses ne l'empêchèrent point de s'acquitter dignement de sa charge et de combattre perpétuellement les hérétiques. Il convoqua pour cela divers conciles dans la même ville : l'un en 369, où il fit condamner les décrets du faux concile de Rimini et déposer Auxence, évêque de Milan, grand fauteur de l'Arianisme, lequel, néanmoins, se maintint toujours dans son siège par la faveur de l'empereur Valentinien l'aîné, dont il avait su gagner l'esprit par flatterie ; l'autre, en 373, contre un grand nombre d'hérésies qui infectaient l'Orient ; surtout contre celle d'Apollinaire, qui renfermait une infimité d'extravagances entre autres, que Jésus Christ n'avait point d'âme ou du moins d'entendement, mais que le Verbe, uni à ce corps, lui tenait lieu de ces parties essentielles de l'homme ; que sa chair venait du ciel et n'avait fait, que passer par le sein de Marie comme par un canal ; le troisième, en 382, pour remédier au schisme qui affligeait depuis longtemps l'Eglise d'Antioche.

De plus, il en fit tenir un à Aquilée, en 381, où, en une seule session, qui dura depuis une heure de l'après midi jusqu'à sept heures du soir, Pallade et Secondien, évêques d'Illyrie, furent convaincus d'hérésie, confondus dans la discussion et condamnés comme coupables des blasphèmes d'Arius. Il envoya aussi à Constantinople le célèbre saint Zénobe, depuis évêque de Florence, pour consoler les fidèles cruellement persécutés par l'empereur Valens, qui s'était déclaré pour l'Arianisme. Enfin, ce fut par son autorité qu'en la même année 381 et en la même ville, se tint le second concile général de l'Eglise, composé de cent cinquante évêques d'Orient, où Arius et Macédonius furent condamnés, et où la foi orthodoxe, que la cruauté de ce prince semblait avoir éteinte et réduite au tombeau, fut heureusement ressuscitée. Damase le confirma et le reçut, en ce qui touchait la doctrine, comme une des règles de la foi : ce qui lui a donné le nom et la force de concile œcuménique, quoiqu'en effet les évêques d'Occident n'y fussent pas, et qu'il ne s'y fut trouvé qu'un assez petit nombre de ceux de l'Eglise grecque.

Outre le soin et la diligence qu'apporta ce généreux Pontife à bannir les hérésies de toute la terre, il s'étudia aussi à retrancher les abus qui s'étaient glissés dans l'Eglise. Entre les épîtres qui lui sont attribuées dans la collection des conciles, il y en a une aux évêques d'Afrique, où, après avoir établi la primauté du Saint-Siège, il fait de très sages constitutions, principalement touchant les accusations des clercs et des évêques, dont quelques-unes ont été insérées dans le corps du droit canon. Il y en a une autre aux évêques de Numidie, où il condamne l'usurpation des chorévêques, lesquels, n'étant que simples prêtres, et n'ayant pas reçu la consécration épiscopale, ne laissaient pas de s'attribuer le droit d'ordonner des prêtres et des ministres, de bénir les religieuses, de consacrer les églises ; de faire le saint Chrême, de conférer la confirmation et de réconcilier publiquement les pénitents : ce qui n'appartient qu'aux véritables évêques.

Par ailleurs, il régla la psalmodie et fit chanter en Occident les psaumes de David, selon la correction des Septante, que saint Jérôme avait faite par son ordre. Il introduisit aussi la coutume de dire Alleluia dans l'église hors le temps de Pâques, au lieu qu'auparavant on ne le disait à Rome qu'en ce temps de réjouissance extraordinaire. Il bâtit deux églises dans la ville : l'une de Saint-Laurent, auprès du théâtre de Pompée, l'autre sur la voie Ardéatine. Il orna le lieu où les bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul avaient longtemps reposé, et que l'on appelait la Platonie. Il trouva plusieurs corps saints et les fit mettre dans des tombeaux honorables, autour desquels il fit graver des vers qui faisaient mention de leurs triomphes. Il fit aussi construire un baptistère magnifique, dont le poète Prudence fait une riche description dans la huitième de ses hymnes.

En cinq ordinations qu'il célébra, selon la coutume, au mois de décembre, il consacra trente et un prêtres, deux diacres et soixante-deux évêques. Enfin, après avoir gouverné saintement l'Eglise au milieu de tant de tribulations, dix-huit ans, deux mois et dix jours, il fut appelé au ciel pour recevoir la récompense de ses travaux, le 11 décembre 384. Dieu le rendit illustre par plusieurs miracles ; car à son invocation des malades furent guéris et des énergumènes délivrés des démons qui les possédaient. Il avait aussi, pendant sa vie, rendu la vue à un aveugle qui l'avait perdue depuis treize ans.

Les Pères de l'Eglise lui ont donné de grands éloges. Saint Ambroise dit qu'il fut élu par un coup du ciel. Saint Jérôme témoigne qu'il était demeuré vierge ; ce qui montre encore plus la malice des schismatiques, qui ne craignirent point de l'accuser d'adultère. Théodoret assure qu'il avait mérité le nom d'homme admirable. Enfin, le même saint Jérôme, qui lui avait servi de secrétaire, le met au nombre des écrivains ecclésiastiques.

Son corps fut d'abord déposé près du tombeau de sa mère et de sa sœur, dans la basilique élevée par lui sur la voie Ardéatine. Plus tard, vers l'époque d'Adrien Ier (772-795), ses reliques furent transférées dans celle de Saint-Laurent in Damaso, à l'intérieur de la ville. Elles y reposent encore aujourd'hui sous le maître-autel, à l'exception du chef du bienheureux pape, qui est conservé à Saint-Pierre de Rome.


Sources :

« Saint Damase d'Espagne, pape », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 1er décembre au 31 décembre, t. XIV, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.197 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307444/f203.item.texteImage)