Saint MANSUET, évêque de Toul, apôtre de la Lorraine (350)

  Fête : 3 septembre

L'Église de Toul regarde saint Mansuet comme l'homme apostolique auquel elle est redevable de la lumière de l'Évangile. La tradition populaire fait ce saint fondateur contemporain des apôtres ou de leurs premiers disciples. Les actes de son apostolat ont été perdus avec ceux de beaucoup d'autres saints illustres des Gaules, soit par suite des dernières persécutions des païens, qui se seraient étendues jusqu'aux livres saints et aux premiers monuments de l'histoire ecclésiastique, soit plutôt dans le naufrage que firent la plupart des églises du pays, par l'inondation des barbares d'au-delà du Rhin. Mais la mémoire de saint Mansuet s'est toujours conservée avec honneur chez les descendants de ceux que la pureté de ses mœurs, la sainteté de sa vie, non moins que ses prédications et ses miracles, convertirent à la religion de Jésus-Christ.

Saint Gérard, l'un de ses successeurs, chargea le moine Adson, abbé de Montier-en-Der, de recueillir, parmi les souvenirs traditionnels de l'Eglise de Toul, ce qu'il trouverait de plus autorisé et d'en composer comme un corps d'histoire qu'on pût lire, le jour de la fête de notre saint, dans toutes les églises du diocèse.

Mansuet était d'origine écossaise. Il vint de bonne heure à Rome, où il étudia les dogmes de la religion chrétienne, et fut bientôt jugé digne, de recevoir l'ordination, d'être appelé à l'épiscopat, et envoyé dans les Gaules, vers les peuples Leucois, « comme un flambeau lumineux pour dissiper les ténèbres de l'erreur ». Saint Mansuet pénètre chez ces peuples restés jusqu'alors idolâtres, il entre dans leur capitale, prêt à souffrir généreusement au besoin tous les supplices, pour rendre témoignage à la bonne nouvelle qu'il vient leur apporter.

Les prédications de l'apôtre ne produisent d'abord que peu de fruits : les magistrats de la ville, et le peuple, à leur exemple, ferment l'oreille aux grandes et sublimes vérités qu'il leur annonce. Mansuy ne se rebute pas des mépris qu'il essuie, il continue à semer la divine parole, attendant avec confiance le moment où il plaira à Dieu de mûrir la moisson. Cependant il se construit hors de la ville une cabane de feuillage, pour y fixer sa demeure et s'y livrer aux exercices de la prière et de la méditation.

Or, il arriva, un jour de grande fête, pendant que tout le peuple de Toul se livrait à la joie, que le fils unique du gouverneur vint à tomber du haut des remparts dans la Moselle, qui, alors, en baignait le pied et se trouvait très profonde en cet endroit. En vain les dieux sont invoqués, on ne peut retrouver son corps, et le jour commencé dans les réjouissances publiques se termine au milieu de la désolation universelle. Pendant la nuit, la princesse vit en songe saint Mansuet qui lui promettait de lui rendre son fils, si elle se convertissait au vrai Dieu. A son réveil, elle fait part de cette apparition à son époux ; celui-ci envoie chercher notre saint, et lui promet de se faire baptiser avec tout son peuple, s'il lui fait retrouver le corps, même sans vie, de son enfant.

Mansuet se dirige vers la rivière, près de l'endroit où le jeune enfant était tombé ; il se prosterne, il prie ; à l'instant le corps de l'enfant vient flotter à la surface de l'eau, et on le ramène sur la rive. « Voilà le corps inanimé de ton fils », dit le saint évêque au père « mais si tu as la ferme intention de tenir la promesse que tu m'as faite, la clémence de mon Dieu est grande, tu en obtiendras un bienfait plus signalé ». Le prince réitère ses promesses, toutes les personnes présentes s'engagent avec lui à renoncer aux faux dieux et à embrasser la religion chrétienne si l'enfant revient à la vie. Mansuet fléchit de nouveau le genou pour implorer la divine Majesté ; quelques disciples qu'il avait déjà convertis se mettent avec lui en prières : un souffle de vie vient alors ranimer les membres glacés de l'enfant ; à la voix du ministre de Jésus-Christ, il se lève et se jette dans les bras de ses parents.

Un spectacle si nouveau frappe d'admiration toute cette multitude : le gouverneur, toute sa famille et le peuple tout entier se convertissent et reconnaissent saint Mansuet pour leur pasteur.

Le saint évêque purgea la ville et le territoire des idoles et des pratiques du paganisme. Il fit bâtir dans la capitale deux églises dédiées, l'une à la Vierge Marie et à saint Etienne, l'autre à saint Jean-Baptiste. Il éleva aussi un petit oratoire près de sa demeure, en l'honneur de saint Pierre. Ensuite, après avoir ordonné un grand nombre de prêtre et de diacres, il fit bâtir des églises en divers lieux de son diocèse, pour y adorer et glorifier Dieu et rendre a sa Majesté les louanges qui lui sont dues.

Enfin, après une longue vie consommée dans les travaux de l'apostolat, l'athlète du Seigneur rendit son âme à Dieu, le 3 septembre, au milieu des regrets et des pleurs de son peuple qui le vénérait.

Disons un mot seulement de la gloire posthume de saint Mansuet.

Quelques paysans du Barrois ramenaient chez eux des chariots chargés de sel. Comme ils passaient dans Gondreville, le jour de la fête de saint Mansuet, on les reprit d'oser se mettre en route ce jour-là ; ils s'en moquèrent, mais ils sentirent bientôt qu'on ne peut impunément se railler des saints et profaner les jours qui leur sont consacrés. A peine se furent-ils engagés dans la Moselle, avec leurs chariots, dans le dessein de la traverser, que les bœufs, dont leurs chars étaient attelés, n'écoutant plus ni le frein, ni la voix de leurs maîtres, s'emportent et menacent de les entraîner dans le précipice. Effrayés du danger, touchés d'en haut, ces pauvres gens avouent leur faute, implorent le secours de saint Mansuet, et font vœu de garder religieusement, à l'avenir, le jour de sa fête. Ce vœu fut aussitôt suivi de leur délivrance.

La châsse du saint, portée solennellement en procession pendant des temps de grande sécheresse, qui faisaient redouter la disette, obtenait sur-le-champ par ses mérites les pluies nécessaires.

Seindebard, comte de Toul, prêt à se faire couper une main qui lui causait de grandes douleurs, invoque dévotement le saint, et sa main, déjà toute desséchée, est aussitôt entièrement guérie. Saint Gérard obtient, par son intercession, la guérison d'une grave maladie, que les médecins désespèrent d'obtenir par les moyens naturels. Plus d'une fois, lorsque la peste, si fréquente dans les temps anciens, désolait le diocèse, on a vu ce terrible fléau s'apaiser tout à coup par les mérites de saint Mansuet. En toutes circonstances les peuples du Toulois ont ressenti les effets de la bonté de leur apôtre ; ils ont gardé pour lui jusqu'à nos jours une grande dévotion, une filiale reconnaissance.


Sources :

« Saint Mansuy ou Mansuet, premier évêque de Toul et Confesseur », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 18 août au 9 septembre, t. X, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.277 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30740r/f437)