Saint BOUIN, ermite près de Troyes (570)

  Fête : 29 septembre

Une ancienne tradition nous apprend que saint Bouin naquit en Champagne, peut-être même dans le diocèse de Troyes ; mais les données sont trop incertaines pour qu'on puisse rien préciser. Ce qu'on peut affirmer, c'est que ce saint, après avoir passé ses premières années dans le monde, se sentit vivement pressé de lui dire un éternel adieu et de se retirer dans la solitude. Il chercha donc un lieu sauvage et désert, où, loin des regards humains, il pût se livrer à la pratique de la pénitence et aux douceurs de la contemplation. Une petite vallée entourée de bois, entre Saint-Mards et Maraye-en-Othe lui parut être l'endroit que lui avait destiné la divine Providence. Il s'y fixa et se construisit une petite chapelle et une cellule, au bord d'une fontaine. C'est là que, selon la profonde parole de saint Grégoire de Tours, il demeura avec lui-même, habitavit secum, c'est-à-dire qu'il joignit la solitude de l'âme à celle du corps ; il détacha son cœur des choses terrestres et se concentra tout entier dans la connaissance de Dieu et de soi-même. Imposant un silence absolu à toutes les facultés de son âme, il la possédait dans un recueillement continuel, purifiait ses affections et les enflammait par la contemplation du souverain bien. Qu'elles étaient ferventes ses aspirations vers le ciel ! « Comme le cerf altéré », s'écriait-il souvent avec le Roi-Prophète, « aspire après la fraîcheur des fontaines, ainsi mon âme soupire après Toi, ô mon Dieu ! » Le cœur sans cesse élevé vers le Seigneur, il eût pu dire encore avec saint Paul : « Notre conversation est dans les cieux ».

Aussi, comme il gémissait, lorsque, après ses extases, il revenait à lui et se voyait encore attaché à la terre par les liens de son corps ; lorsque, réfléchissant à la fragilité humaine, il pensait que de plus saints et de plus forts que lui étaient tombés dans le péché ! L'ombre seule d’une faute légère le faisait trembler, et souvent il remerciait Dieu de l'avoir appelé à une vie qui, pour n'être pas exempte de tentations et de dangers, lui permettait toutefois de déjouer plus facilement les artifices du démon. Mais afin de s'assurer la victoire, il prenait les armes infaillibles indiquées par saint Paul : la prière, la vigilance et le jeûne. Son lit était la terre nue ; sa nourriture, du pain, du sel et des racines ; sa boisson, l'eau pure de la fontaine. Et que dire de ses autres austérités ? Avec quelle impitoyable rigueur il traitait son corps pour le soumettre au joug de l'esprit et triompher de ses sens !

Aussi atteignit-il un degré sublime de perfection et de sainteté, qui, tout en lui faisant un trésor de mérites pour le ciel, lui attirait dès ici-bas le respect et la vénération des pays environnants. Il n'avait pu si bien se cacher, qu'on ne finit par découvrir sa retraite. On accourait à lui comme à un homme d'un puissant crédit auprès de Dieu, et jamais cette confiance n'était trompée. Comme sa solitude n'était pas éloignée des habitations, il ne se passait point de semaine qu'il ne reçût la visite des villageois, qui tenaient à honneur de lui fournir les vivres nécessaires. Jamais il ne refusait leurs offrandes ; mais il les réservait pour les distribuer aux pauvres, qui, connaissant sa vie austère et charitable, ne manquaient pas de s'adresser à lui comme à leur père nourricier. Le travail de ses mains devenait aussi la matière de ses aumônes, et jamais aucun malheureux ne quitta son ermitage sans avoir obtenu quelque soulagement à sa misère. Notre saint profitait de ces visites pour rappeler à tous ceux qui l'abordaient leurs devoirs envers Dieu, la douceur du joug de Jésus-Christ, le néant des biens de la terre, et la nécessité d'acquérir ceux du Ciel, les seuls véritables. Ses paroles produisaient l'impression la plus salutaire, et toujours ceux qui l'avaient entendu se retiraient avec le désir d'être meilleurs.

C'est ainsi que saint Bouin passa sa longue carrière dans l'exercice des plus belles vertus, et que, plein de jours et de bonnes œuvres, il s'endormit dans le Seigneur, le 29 septembre 570.


Sources :

« Saint Bouin, prêtre, solitaire près de Saint-Mards-en-Othe, au diocèse de Troyes », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 10 septembre au 2 octobre, t. XI, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.509 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k307413/f513.item)