Saint MATHURIN, abbé à Larchant (388)

  Fête : 9 novembre

Le père de Mathurin se nommait Marin, et sa mère Euphémie ; c'étaient des personnes nobles qui demeuraient dans le Gâtinais, au diocèse de Sens, dans une terre appelée Liricant et maintenant Larchant (Seine-et-Marne, arrondissement de Fontainebleau, canton de La Chapelle-la-Reine), au diocèse de Meaux.

Marin était un idolâtre si zélé, qu'il ne fit point difficulté de recevoir des empereurs la charge de poursuivre et d'exterminer les chrétiens. Il eut ce fils pour le bonheur de sa famille et pour la gloire de son pays ; il ne manqua pas de lui inspirer de bonne heure les principes sacrilèges de sa religion. Mais Dieu préserva Mathurin de cette impiété. Son histoire porte qu'un saint évêque de Sens, nommé Polycarpe, ayant trouvé son cœur disposé à recevoir la semence de l'Evangile, lui en donna la première intelligence et l'instruisit si parfaitement de tout ce qu'il devait savoir des mystères de notre foi, qu'il le mit, à douze ans, en état de recevoir le baptême. On ne trouve point cet évêque dans les catalogues des prélats de cette église ; mais il faut avouer qu'il en manque aussi beaucoup, puisque, depuis saint Savinien et saint Potentien, qui en ont fondé le siège, on n'en marque qu'un (Léonce) jusqu'à Séverin, qui a souscrit au concile de Cologne en 346.

La grâce du baptême fit en même temps de si grands effets dans l'âme de Mathurin, qu'il parut tout embrasé de l'amour de Jésus-Christ. Il passait les jours et les nuits en jeûnes, en veilles et en prières, et il frappait continuellement à la porte de la divine miséricorde pour en obtenir la conversion de ses parents. Son oraison fut bientôt exaucée. Euphémie, étonnée de la vertu de son fils, n'eut pas de peine à accepter la doctrine du salut qu'il lui proposa ; et Marin, qui eut un songe mystérieux, dans lequel il vit son fils qui conduisait beaucoup de peuple, comme un pasteur conduit des troupeaux, reconnut l'abondance des faveurs célestes dont il était prévenu, et consentit à avoir part à la grâce du baptême qu'il avait reçue. Polycarpe vint à leur maison, et ayant achevé de les instruire, il leur conféra, à l'un et à l'autre, le sacrement de la régénération spirituelle. Ainsi Mathurin fut spirituellement le père de ceux qui lui avaient donné la vie et Marin, de persécuteur des chrétiens, en devint l'asile, le soutien et le protecteur.

Cependant notre saint jeune homme, croissant toujours de vertu en vertu, fut jugé digne par son évêque d'entrer dans les ordres sacrés. Aussi, à l'âge de vingt ans, il fut promu au sacerdoce et il commença d'offrir sur l'autel le sacrifice non sanglant de la chair de Jésus-Christ. Il reçut en même temps le don des miracles et un si grand pouvoir sur les démons, qu'il n'y avait point d'énergumènes qu'il ne délivrât facilement. D'ailleurs, Dieu lui donna une facilité merveilleuse d'expliquer les vérités de notre religion et de les persuader à ses auditeurs ce qui fit que Polycarpe lui ordonna de prêcher l'Evangile et d'annoncer aux peuples le grand mystère d'un Dieu crucifié. On ajoute que, dans un voyage que ce prélat fit en Italie, d'où il ne revint point, il lui laissa la charge de tout son diocèse, et que Mathurin s'en acquitta avec un zèle et une piété admirables.

Après plusieurs années on l'appela à Rome pour y délivrer la fille d'un prince, laquelle était violemment tourmentée par un démon. Il y alla, et son voyage eut tout le succès que l'on prétendait. Il y délivra encore plusieurs autres possédés et, dans les trois ans qu'il y demeura, il acquit, par ses prédications et par ses miracles, un grand nombre de serviteurs à Jésus Christ. Enfin, l'heure de sa récompense étant venue, il mourut en paix et avec le seul désir du martyre, quoique ce fût dans le plus grand feu des persécutions. Sa mort arriva à Rome le 1er novembre, mais on ne fait sa fête à Paris que le 9 de ce mois.

Dans les images de saint Mathurin, on voit souvent près de lui des chaînes ou des menottes suspendues en manière d'ex-voto, parce qu'on l'invoquait pour la délivrance des démoniaques et des fous furieux. Par allusion à son voyage à Rome, on le représente habituellement bénissant une femme tandis que le démon s'échappe par la bouche ou par le crâne de la patiente. Dans plusieurs images populaires les pots et les plats d'étain accompagnent souvent saint Mathurin et saint Fiacre, qui étaient à Paris les patrons des fabricants potiers.

On invoque saint Mathurin pour la guérison de la folie, de l'épilepsie, de la possession, et des personnes qui sont affligées de frayeurs et de terreurs paniques. C'est encore par analogie que saint Mathurin est le patron des bouffons, dont le métier et de faire les fous ou les niais.


Sources :

« Saint Mathurin de Larchant, prêtre et confesseur », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 28 octobre au 30 novembre, t. XIII, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.289 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30743s/f295.item)