Saint DIDIER (Désiré), évêque de Langres, martyr avec ses compagnons

  Fête : 23 mai

Saint Didier, troisième évêque connu de Langres, fut le successeur de saint Juste, qui lui-même avait succédé à saint Sénateur. Son élection à l'épiscopat remonte vers l'an 253 ; de simple agriculteur, il devint pasteur des âmes par une vocation toute miraculeuse.

L'église de Langres était veuve de Juste, son évêque, et les fidèles réunis dans l'oratoire de saint Jean l'Évangéliste, transformé plus tard en vaste cathédrale sous l'invocation de saint Mammès, demandaient à Dieu un chef selon son cœur. Le ciel fit savoir par révélation que ce pasteur serait Desiderius, en français Didier, Dizier ou Désiré. Mais comme on ne connaissait personne de ce nom, il fut résolu qu'on enverrait à Rome pour obtenir l'avis du souverain Pontife. Les députés revenaient à Langres et passaient aux environs de Gênes, lorsqu'ils rencontrèrent au village de Bavari un laboureur qui conduisait la charrue dans son champ. Ils apprirent qu'il se nommait Desiderius. Ils l'abordèrent. Quel ne fut pas leur étonnement quand ils virent son bâton fixé en terre se couvrir subitement de feuilles ! A ce signe, ils reconnurent celui que le Seigneur avait annoncé ; ils saluèrent Desiderius évêque de Langres.

Didier fut reçu avec allégresse par les Langrois comme l'élu de la Providence. Il obtint par la prière et l'humilité les grâces nécessaires pour être élevé à la plénitude du sacerdoce, et le Saint-Esprit, qui distribue ses dons comme il lui plaît, l'éclaira de ses divines lumières dans le gouvernement de son diocèse. Il propagea le règne de l’Évangile, et son épiscopat est une preuve entre mille autres que l’Église doit ses conquêtes, non point aux ressources humaines, mais à l'action du Tout-Puissant qui l'a établie.

Depuis que Notre-Seigneur a prononcé cette parole : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis », et depuis qu'Il est mort Lui-même pour nous, ajoutant l'exemple à la leçon du sacrifice, une multitude innombrable d'évêques se sont volontairement immolés pour leurs troupeaux. Saint Didier a pris une place auguste au milieu d'eux. A l'époque où il vivait, les peuples barbares d'au-delà du Rhin commençaient à s'ébranler pour se jeter sur les provinces de l'empire romain comme sur une proie. Vers l'an 264, une horde d'Allemands se précipita dans l'est des Gaules, sous la conduite d'un chef nommé Chrocus. Ils mirent le siège devant Langres, qui ne devait pas être fortifiée à cette époque, non plus que les autres villes des Gaules. L'hagiographe Warnahaire la suppose cependant défendue par des remparts en pierre de taille. On n'avait aucun espoir de la sauver ; les premières barrières avaient cédé aux efforts des assiégeants : le massacre commençait et les barbares n'épargnaient pas même les petits enfants dans les bras de leurs mères. Le titre de chrétien ne faisait qu'allumer davantage la fureur des barbares. Didier n'hésita point à se livrer lui-même, en abordant Chrocus pour le supplier d'épargner la vie des habitants. Le barbare resta insensible à ce sublime dévouement. L'évêque alors le menaça de la vengeance céleste. Mais Chrocus, sans égard pour les cheveux blancs du pontife et bravant ses malédictions, ordonna de lui trancher la tête et de mettre à mort ceux qui l'accompagnaient. Le diacre Vincent était de ce nombre.

C'est pour indiquer la décollation de saint Didier qu'on le représente ordinairement portant entre les mains sa tête coupée. Au moment où il reçut le coup mortel, il tenait un livre sur lequel le sang jaillit ; les feuillets en furent couverts, mais les lettres demeurèrent intactes et on les lisait encore mille ans plus tard, ainsi qu'un célèbre auteur, Vincent de Beauvais, l'atteste au XIIIe siècle.

Le malheureux qui avait frappé l'évêque fut saisi d'une soudaine folie ; il courait sur les remparts en poussant des cris affreux, et il alla se briser la tête contre une porte de la ville qui depuis resta murée en mémoire du sang qui l'avait souillée. A la vue du cadavre et de sa cervelle répandue, les barbares cessèrent de se livrer au carnage. Mais le sang des martyrs criait vengeance ; Chrocus, au rapport de saint Grégoire de Tours, se jeta sur le midi de la France. On le fit prisonnier devant Arles et il subit le sort qu'il avait mérité en persécutant les saints du Seigneur. Enfermé dans une cage de fer, il fut promené au milieu des villes qu'il avait ravagées ; ensuite on le mit à mort. Une ancienne tradition langroise rapporte que son supplice eut lieu au-delà de Saint-Geosmes, à l'endroit nommé la Croix-d'Arles.

Le saint évêque reçut la sépulture dans un tombeau de pierre, en l'oratoire qui a depuis porté son nom et qu'il avait dédié lui-même à sainte Madeleine. On y établit d'abord des chanoines réguliers, et ce fut plus tard un prieuré de l'Ordre de Saint-Benoît. La crypte où le martyr reposait se voit encore dans la partie de cette église qui a été conservée et qui renferme un musée d'antiquités gallo-romaines.

Les prodiges qui manifestèrent la puissance de saint Didier auprès du Seigneur enflammaient la dévotion des peuples. L'histoire rapporte que nul ne pouvait sur le tombeau du saint prêter un faux serment sans être aussitôt puni par la justice divine.

C'est à cette même époque, c'est-à-dire en l'an 264 de l'ère chrétienne, que remonte la fondation de Saint-Dizier (Haute-Marne). Après le pillage de Langres, une compagnie de Langrois emportant avec eux les reliques de saint Dizier ou Didier, vinrent se retirer dans les forêts qui couvraient une partie de l'étendue du pays. Ils s'arrêtèrent sur les rives de la Marne, élevèrent une chapelle destinée à recevoir les précieuses reliques et groupèrent leurs cabanes tout autour de leur modeste sanctuaire. Ils formèrent ainsi le noyau de la ville de Saint-Dizier.

En 1315, sur la demande d’Étienne de Noyers, prieur de Saint-Didier, l'évêque de Langres, Guillaume de Durfort, fit la vérification et la translation solennelle des reliques du martyr. La cérémonie s'accomplit le 19 janvier en présence des évêques voisins, des abbés de tout le diocèse et d'un immense concours de peuple. Guillaume ouvrit le cercueil de pierre. Les reliques apparurent intactes, la tête détachée des épaules et les linges teints de sang. Ces précieux restes furent exposés aux regards des fidèles, et on lut à haute voix une antique inscription qui garantissait leur authenticité, puis on les enveloppa dans des étoffes de soie et on les renferma dans une châsse d'argent ornée de ciselures. La tête, à l'exception de la mâchoire inférieure, fut mise dans un buste de vermeil tout brillant de pierres précieuses, et l'on transféra au trésor de la cathédrale, dans des reliquaires d'argent d'un admirable travail, le bras droit, une côte, la mâchoire inférieure et quelques autres parties des ossements. On vit éclater de nouveaux miracles en cette mémorable circonstance. Depuis, les reliques du martyr se répandirent dans le monde chrétien, spécialement à Gênes sa patrie, à Bologne en Italie et dans les villes d'Arles et d'Avignon. La relique de saint Didier fut portée à Rosoy, dans la maison d'une femme en couches et dont la vie courait un grand danger. Au contact de la relique, la malade fut sauvée. Ce miracle, dont le chroniqueur Clément Macheret, curé d'Hortes, dressa procès-verbal, contribua beaucoup à répandre la confiance que l'on a dans l'intercession du saint pour une heureuse délivrance.

Saint Didier fut toujours regardé comme le patron de la ville de Langres, qui l'invoquait solennellement dans les calamités publiques. Il y avait une célèbre confrérie instituée sous son patronage. Des rois de France et des ducs de Bourgogne ont tenu à l'honneur d'être inscrits sur ses registres. La plupart des ossements du martyr ont été perdus à la Révolution ; mais on possède une partie de la mâchoire inférieure qui était dans l'autel de l'hôpital Saint-Laurent.

Une église d'assez peu d'importance comme monument et vieille de six siècles lorsqu'elle a disparu en 1792 après la suppression d'une paroisse de 1800 âmes, dont elle était le centre avait consacré à Poitiers le culte du saint évêque de Langres : l'église Notre-Dame de la capitale du Poitou possède encore une de ses reliques.

Ce saint pasteur ne fut pas le seul qui souffrit le martyre en cette persécution. Les martyrologes lui joignent en ce jour plusieurs fidèles du nombre de ses diocésains. Ils marquent aussi, le 22 octobre, saint Florent, un de ses disciples, qui fut mis à mort par les mêmes Vandales, à Tille-Château, entre Langres et Dijon, et le 27 du même mois, saint Valère, son archidiacre, qui fut décapité par les mêmes barbares, en un lieu nommé Port-Buxin, et vulgairement le Port-de-Loue, auprès de Salins, en Bourgogne.


Sources :

« Saint Didier, évêque de Langres, et ses compagnons, martyrs », dans Paul Guérin, Les Petits Bollandistes : du 19 mai au 13 juin, t. VI, Paris, Bloud et Barral, 1876, p.112 (en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k30736h/f118)